jeudi 26 novembre 2009

Djeeb le Chanceur



Actuellement je papillonne de livre en livre : fantasy, SF…(Hypérion, la horde du contrevent…) Du bon donc, mais pourtant pas cette grande révélation que j’ai pu avoir avec « Les princes d’Ambres », « La rose du prophète » « Parleur ou les Chroniques d'un rêve enclavé » et j’en passe. Alors pour faire un break j’ai voulu tester un « petit » nouveau : Laurent Gidon connu aussi sous le pseudonyme de Don Lo. Car bien que je sois passé à coté de son premier roman : Aria des brumes, j’ai pu apprécier ses nouvelles et la facilité avec laquelle l’auteur transporte son lecteur dans l’imaginaire.

Pour Djeeb, un indicateur trivial, mais révélateur mon temps de lecture : une dizaine de jours (sachant que j’ai bien peu de temps libre actuellement). En effet je n’ai pas mis de temps à rentrer dans l’histoire et suivre les pas du protagoniste. Un personnage avide d’aventures et bouleversé de sentiments divers, à la fois attachant dans son humanité, sa générosité de vie et désespérant d’inconscience voir d’égoïsme.

Le livre nous jette rapidement dans les péripéties du Chanceur sans s’attarder sur les présentations et les chemins ayant guidé celui-ci jusqu'à Ambeliane, une façon de rentrer dans la psychologie du héros qui ne vit que pour le présent.

Si certains peuvent trouver le style de l’auteur grandiloquent, ou « too much », c’est pourtant à mon sens l’un des points forts du livre, car le style est personnel et même inventif. La phrase n’est pas ennuyeuse et elle coule avec grâce.

Sur le fond, sur l’histoire pas de trame ou de background stupéfiant (si ce n’est la parti souterrain d’Ambeliane) mais un héros et une ville qui se laissent découvrir comme des énigmes motrices de l’histoire.

Mes bémols : des descriptions un peu confuses sur la fin, et des situations parfois peu vraisemblables.

Au final, de nombreux paramètres influx la réussite d’un roman et Laurent Gidon en remplit de nombreux, peut être manque-t-il encore une certaine constance dans la crédibilité des réactions des personnages. Oui peut-être, mais le pari est réussi le livre laisse une trace plaisante de rêve dans la mémoire.

dimanche 22 novembre 2009

De nuit.

Point de vue d’Alice.

Un pressentiment me tire d’un sommeil déjà agité. Je tends l’oreille aux aguets : pas un bruit ne vient troubler les lieux et pour autant je ne suis pas rassurée. Dans la pièce je perçois de la méchanceté suintant jusqu'à moi. Quelqu’un ou quelque chose s’est immiscé chez moi. Mes poils se hérissent et je me blottis un peu plus dans la chaleur faussement protectrice de mon lit douillet. La présence hostile se rapproche, pas un son ne l’atteste, mais l’air est trop tendu pour se tromper. J’ai grand-peur. Paralysée je tente de pénétrer les ténèbres impuissantes alors … je les vois ! Deux yeux jaunes fendus d’ébène, luisant de leur promesse de mort. Cette fois je ne maîtrise plus ma frayeur, je crie, je hurle, ma voisine entendra peut-être.

*

Point de vue d’Anne.

Je me réveille en sursaut. Dieu ! Ce n’était qu’un rêve, quel réalisme, mes draps en sont trempés de sueur. Autour tout est calme, comme au début de mon rêve d’ailleurs. Cette pensée m’inquiète, je repense au miniscule, au ridicule verrou de l’entrée. Sans parler de l’interstice sous la porte où pourrait passer un chat. Ces vieilles baraques ! Moi qui suis toute seule dans cet appartement, je n’ai même pas encore de téléphone fixe. Où ai-je bien pu mettre mon mobile ? Je me lève et pose un pied fébrile sur la moquette, j’ai la chair de poule sous ma chemise de nuit. Il fait si noir et paradoxalement une étrange réticence m’empêche d’allumer comme si je craignais qu’un éclair de lumière ne me révèle tous ce qui pourrait bien se tapir dans l’ombre. Lentement, je colle l’oreille à la porte de ma chambre et j’écoute. Rien. Si. Un petit son aigu venant du fond du couloir : la cuisine. Cette fois j’ai la frousse. Je cherche un ustensile susceptible de me servir d’arme, et me rabats finalement sur ma lampe de chevet. Grotesque. Le souffle court je tourne la poignée de la porte et le pêne claque à réveiller un mort : autant pour la discrétion. Je saute dans le couloir étreignant ma lampe comme un couteau, mais seul le parquet grince de désapprobation. Le couinement s’est arrêté, mais un bruit métallique résonne dans la cuisine. La décharge d’adrénaline qui a accompagné ma courageuse entreprise m’enhardit follement, je cours, et me rue sur la porte de la cuisine, que j’ouvre à toute volée. Mon arme de fortune brandit au dessus de la tête, un pied en avant, j’hurle :

- Hiiiiiiiiiiiih !

« La lumière idiote ! », me fustige. Le palpitant battant à tout rompre, je panique, il y a quelqu’un dans la pièce. Je cherche l’interrupteur qui m’échappe. Il devrait pourtant être là ! Où là ? Aller quoi ! La lumière jaillit et je virevolte sur moi-même à en perdre l’équilibre. Personne. Si, à terre ! Les yeux jaunes. Un bond en arrière me projette contre l’huisserie de la porte, la douleur fuse dans mon crâne, mais c’est le soulagement qui me fait lâcher la lampe de chevet.

- George ! Pourriture !

Le boa de mon voisin me regarde de ses petits yeux cruels, la queue d’Alice, ma souris, dépassant encore de sa gueule. Celle-ci disparaît en éclair, comme si le serpent venait de se souvenir de cette preuve de son méfait.

- C’est ça ni vu ni connu.

Je m’étrangle de rage.

- Et la cage à moitié défoncée, tu vas la planquer où, salopard de meurtrier ! Il va m’entendre le voisin.

*

Point de vue de George.

Mon maître « deux pattes » me ramène manu militari de chez la voisine et me flanque dans ma tanière. Qu’est-ce qui lui prend de me traiter ainsi. Peu importe, quelle nuit ! Comment avais-je pu oublier les délices de la traque ? Glisser sur le sol lisse, en silence. Dans l’obscurité totale, se laisser guider par les odeurs et la douce chaleur du sang qui palpite. Puis sentir la proie frémir et inonder l’air de sa terreur. Enfin l’attaque et le festin moment incomparable aux plaisirs suaves.

On aura beau dire, ça améliore l’ordinaire : suffit les cadavres réchauffés aux micro-ondes, le rongeur frais quel délice. Je garde en mémoire le chemin des jouissances et faute de souris la prochaine fois, je raffole de l’odeur de la voisine. Serait-ce comestible un « deux pattes » ?